Sociologie de l’art et de l’éducation : Deuxième colloque d’Art.School.Differences, 28 et 29 novembre 2014 à la ZHdK
Le deuxième colloque d’Art.School.Differences était consacré aux concepts de la sociologie de l’art et de l’éducation. Le vendredi soir, deux conférences publiques ont été proposées par Ulf Wuggenig (Leuphana Universität Lüneburg) et Olivier Moeschler (Université de Lausanne). L’intervention de Jackie McManus, intitulée «Hopes and Fears for Art: policy and practice in widening participation in art and design higher education in the UK» a dû être malheureusement annulée à la dernière minute. Ulf Wuggenig a donc accepté de la remplacer au pied levé ce dont nous nous sommes réjouis, d’autant plus que sa communication publique faisait écho à l’atelier qu’il animait le samedi matin.
Nous fixerons dès que possible une nouvelle date pour la communication de Jackie McManus.
Dans son intervention, intitulée «Sociological Frames of References for Decision-Making in Art Schools. Value systems and their social embeddings from the perspectives of field theory, pragmatist sociology and the art worlds approach », Ulf Wuggenig s’est intéressé aux différentes applications des théories fondamentales de la sociologie de l’art. Il a ainsi proposé une introduction aux théories de « champ » forgée par Pierre Bourdieu et de « système » de Luhmanns et a également donné un aperçu de la sociologie pragmatique de Luc Boltanski et Eve Chiapello ou des Mondes de l’art d’Howard Becker. Vous pouvez accéder à la présentation d’Ulf Wuggenig en cliquant ici.
Dans son intervention «What’s the Difference? Cultural Democratization and the Social Determinants of Artistic Practices: Theoretical Considerations and a Swiss Case Study», Olivier Moeschler a quant à lui présenté quelques résultats de son étude concernant les diplômé.e.s suisses de la haute école de théâtre de Lausanne, La Manufacture (étude réalisée en collaboration avec Valérie Rolle). A travers la notion de « créacteur » (créateur – acteur), Olivier Moeschler illustre la combinaisons des exigences aujourd’hui imposées aux étudiant.e.s, qui oscillent entre qualités artistiques et facultés entrepreneuriales. Cette communication s’est également intéressée à rendre visible comment des projets ayant pour objectif la promotion « d’une diversité » peuvent renforcer involontairement des structures d’inégalité préexistantes dans l’accès à un établissement d’enseignement supérieur. Ce constat croise de près les questions de recherche au cœur d’Art.School.Differences. (Voir aussi la recension de l’étude par Marie Buscatto.)
Dans le cadre du séminaire de formation proposé le samedi matin aux groupes de co-chercheur.e.s, Ulf Wuggenig est revenu sur l’importance des théories burdieusiennes (et plus particulièrement sur les notions de champ, capital et habitus) pour Art.School.Differences. Quelques modes de fonctionnement et mécanismes d’exclusion fondamentaux du champ de l’art contemporain ont ainsi été examinés.
Le samedi après-midi a été consacré aux projets de co-recherche. Chaque groupe a pu présenter les avancées de sa réflexion et échanger avec l’équipe d’Art.School.Differences ainsi que les membres du comité scientifique international. Les présentations et les tables rondes qui ont suivi ont donné lieu à des discussions riches autour de la recherche sur les inégalités et les mécanismes normatifs dans les hautes écoles d’arts.
Pour l’équipe de recherche, ce colloque a été l’occasion d’échanges professionnels précieux avec les experts membres du comité scientifique international d’Art.School.Differences. Ainsi, Melissa Steyn (Wits School of Arts, University of the Witwatersrand, Johannesburg) a mis en perspective la question de « la démocratisation » des structures éducatives avec le cas sud-africain où une « africanisation » des institutions, c’est-à-dire une suppression des privilèges de la minorité blanche, est en marche. Ruth Sonderegger (Akademie der bildenden Künste Wien) a soulevé la problématique de l’eurocentrisme dans la compréhension et l’appréciation esthétiques lors des procédures d’admission dans les hautes écoles d’arts. Comme action concrète elle suggère d’impliquer dans les jurys d’admissions des artistes et théorcien.ne.s de l’art venant de sphères culturelles non-européennes. Enfin, Marie Buscatto (Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne) a attiré l’attention sur les conditions de travail des étudiants en art en fonction du genre, en dehors des procédures d’admission. Il faut s’intéresser à l’organisation genrée des cursus et programmes d’enseignement ainsi qu’aux relations informelles entre les étudiant.e.s et différents acteurs de l’école d’art mais aussi en-dehors. En outre, elle souligne le rôle des institutions dans la reproduction d’une image stéréotypée de la figure romantique de l’artiste.